Les DHC Days nous apportent leur lot d’interviews, et ce n’est pas fini, puisque nous recevons cette semaine Gerd Van Wichelen de If Insurance, une compagnie d’assurances nordique (la Scandinavie et la Finlande), spécialiste de prévention des risques industriels.
C’est donc l’occasion de remercier Gerd pour son temps et ses réponses, mais aussi toute l’équipe d’If Insurance pour sa disponibilité !
Bonne lecture.
Interview de Gerd Van Wichelen, If Insurance
Bonjour Gerd, pouvez-vous vous présenter, et nous présenter If … Insurance ?
Bonjour et bonjour à tous les lecteurs de DHC News.
Je travaille pour If Insurance, qui est un leader nordique de l’assurance, avec 6200 employés et 4,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et je suis ingénieur de prévention en risques industriels.
Je suis responsable en France pour analyser et réduire les risques auprès de nos clients industriels. Nous assurons tout type d’industrie, mais nous avons des ingénieurs compétents spécialement dédiés au secteur énergétique.
Nous voilà aux DHC Days, l’un des premiers événements français 100% dédié au chauffage et au froid urbain. Selon-vous, dans quelle mesure ce type d’événement définit-il le futur de l’industrie ?
Je crois que ces événements sont cruciaux pour la promotion de l’industrie, à plusieurs niveaux.
D’abord, l’industrie du chauffage urbain est invisible aux yeux de la plupart des citoyens européens, alors qu’il s’agit probablement de l’un des piliers de la transition énergétique européenne.
C’est aussi la pierre angulaire d’un modèle économique « circulaire » vers lequel nous sommes contraints d’évoluer.
J’ai le sentiment que le chauffage urbain se développe trop, en ce moment, autour de projets individuels dont le principal argument est la profitabilité à court-terme.
Mais en adoptant une approche plus globale, il y a de nombreuses opportunités « invisibles » pour incorporer le chauffage urbain dans les projets de construction.
Enfin, je crois que le chauffage urbain devrait être perçu comme une manne pour réduire le réchauffement climatique au niveau local, et donc au niveau global, grâce à un usage plus efficace de l’énergie.
Nous en avons eu un excellent exemple lors de la présentation inaugurale de M. Pronchéry, qui a montré comment les eaux usées des logements pouvaient être utilisées pour créer de la chaleur de façon profitable, alors même qu’il avait du mal à convaincre les investisseurs de la viabilité de cette approche plus globale.
Comme les investissements initiaux sont souvent importants, surtout lorsqu’on parle de construction de réseaux, il est essentiel d’adopter une vision à long-terme.
On voit aussi que les réseaux peuvent être étendus sur de grandes distances pour couvrir de plus grandes zones, tout en perdant peu ou pas d’efficacité thermique et en amenant d’autres acteurs (sources et consommateurs) autour de la table.
Une meilleure efficacité énergétique passe aussi par une meilleure gestion (« intelligente ») des excès et demandes énergétiques via la mesure intelligente, la communication et le traitement instantanés des informations (« digitalisation »).
Mais nous avons un autre défi : le chauffage et le froid urbain sont devenus des concepts très larges, qui regroupent différents types de besoins énergétiques, ce qui demande souvent des études de faisabilité ad hoc qui doivent comparer différentes technologies et prendre en compte les enjeux locaux (disponibilité de chaleur/énergie fatale, possibilité du solaire ou de l’éolien, etc.).
Comme une approche globale de l’énergie possède plusieurs aspects, il peut être difficile d’organiser le marché du chauffage urbain pour harmoniser la demande et l’offre de chaleur et de froid.
Pour parler plus précisément des déchets, nous brûlons toujours trop de déchets sans récupérer la chaleur dégagée, et nous enterrons toujours trop de déchets sans récupérer l’énergie qui peut en être dégagée : près de 25% des déchets urbains en Europe vont dans des décharges, soit un peu plus de 100kg par personne et par an.
L’enfouissement des déchets est très cher, et il faut de toute façon superviser les décharges en aval (biogas, lixiviats.). Donc l’énergie nécessaire aux réseaux est souvent disponible, et pas si loin du lieu de consommation.
C’est pourquoi je pense que les législateurs doivent rapidement organiser et réguler ce marché « local » de l’énergie, où certains acteurs ont trop de chaleur ou de froid, tandis que d’autres en manquent.
Peut-être que l’inclusion du terme de thermodynamique « pollution thermique » dans notre système législatif pourrait aider à arrêter le gaspillage d’énergie, ce qui pourrait être utile et encourager le développement de systèmes alternatifs ?
Mais tout n’est pas noir : comme on le voit souvent en Europe, les grandes villes n’attendront pas les réglementations pour accélérer le développement du chauffage urbain.
Le fait que cette conférence existe, et même son contenu le prouvent clairement, à mon avis.
Justement, puisque l’on parle de la conférence : quel est l’aspect le plus intéressant de l’industrie selon vous ?
Le concept même de chauffage urbain trouve son origine dans les communautés à orientation « socialiste », dans lesquelles la gestion énergétique était très centralisée : cela fait donc longtemps que l’idée existe.
Dans le « consumérisme responsable » moderne, le chauffage urbain a trouvé un nouveau futur, notamment avec les innovations technologiques récentes (les réseaux intelligents et la digitalisation) et la conscience environnementale accrue.
Du point de vue d’un ingénieur en risques industriels, il est très intéressant de vivre cette transformation !
Qu’en est-il de la gestion des risques : il me semble que vous avez présenté une conférence sur le sujet dans la journée ?
De façon générale, on considère que la gestion des risques est un moyen formel d’identifier, d’analyser et de traiter les risques.
Dans le contexte de l’assurance, nous pensons souvent aux risques « dommages » ou aux risques de « responsabilité », mais de nos jours, les compagnies d’assurances peuvent, en fait, aller beaucoup plus loin pour accompagner et protéger les entreprises.
L’assurance est souvent vue comme une solution financière pour transférer les risques lorsqu’une entreprise ne peut ou ne veut pas les assumer seule.
Mais certains risques peuvent être réduits de façon alternative : par des formations adaptées, par la mise en place de systèmes de protection, par d’autres méthodes de travail, par la formalisation de plans d’urgence, etc.
Les compagnies d’assurance fournissent des services de prévention des risques qui vont au-delà de la couverture assurance pour réduire, et même parfois éviter les risques.
On entend souvent parler des aspects techniques de l’industrie, mais rarement de l’assurance : pouvez-vous poursuivre ?
Les sites de production de chaleur et de froid pour les réseaux connaissent des risques industriels classiques, que nous connaissons bien et que nous assurons dans d’autres secteurs, qu’ils fassent partie d’un processus de fabrication ou qu’ils soient inhérents à une centrale énergétique.
Les incendies, les explosions, les bris de machine et les catastrophes naturelles sont les risques « dommages » les plus courants que l’assurance couvre.
Dans les réseaux de chaleur et de froid plus spécifiquement, les sinistres s les plus courantes sont causés par les fuites, surtout dans les réseaux les plus anciens.
Une maintenance préventive, et même prédictive, adaptée et couplée à des méthodes de réparation de plus en plus efficaces peut réduire drastiquement la fréquence de ces fuites.
Lorsque le réseau doit être arrêté suite à une panne importante, une assurance sur-mesure peut couvrir l’obligation de fournir de la chaleur aux logements et aux acteurs industriels.
Par exemple, les consommateurs finaux peuvent être équipés rapidement de moyens de chauffage individuels grâce à une couverture spéciale ; et ceci dès que la fourniture énergétique est interrompue ou qu’elle n’atteint pas les critères de confort pour l’utilisateur final.
Et diriez-vous que l’industrie doit encore être éduquée au sujet de la gestion des risques et de l’assurance en général ?
Oui, nous pensons que l’assurance continuera à apporter une valeur ajoutée non négligeable dans le développement futur de l’industrie.
Nous suivons avec attention les innovations technologiques du secteur, et nous pensons que nos méthodes de prévention des risques peuvent contribuer à réduire les sinistres auprès de nos clients.
Au bout du compte, c’est notre objectif commun !
Merci encore à Gerd pour sa disponibilité et son expertise.
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